après ma soutenance de thèse
et la veille de la naissance non attendue
de ton premier oncle
celui que je n’ai jamais pu aimer
j’ai compris que
dans notre guerre
les hommes sont des robes
dont on s’habille pour plaire
aux autres femmes
une robe doit être signée
d’un cachet identifiable
elle doit t’aller intégralement
mettre en valeur ton corps
en toutes circonstances
ce n’est pas à ton corps
à s’adapter à la robe
trop longue elle te ferait trébucher
trop courte elle te rend ridicule
toutes les robes
ne nous vont pas à tout âge
les modes changent
les tissus s’usent
se tâchent
on en perd en voyage
une robe rapiécée
ou à trous bien placés
on peut la porter l’été
ou en week-end
jamais sur son lieu de travail
ou au bridge
une robe
ça ne doit pas avoir de plis mal repassés
ce ne doit pas être vulgaire
ni diminuer notre féminité
une belle robe impose
pour mieux s’effacer
devant notre personnalité
elles nous révèlent
sans rien dire
vois comme c’est beau
sans rien dire
sans rien dire
le tissu doit être du plus grand luxe
sans trahir son prix
ses couleurs ses motifs
seront raffinés
mais d’une humilité effacée
comme s’excusant
d’avoir dû utiliser
tant d’heures et d’expertises
épuiser tant d’yeux et de mains
pour exister pour nous
une vraie robe ne demande que peu d’entretien
se range et se sort facilement du placard
sans nous donner le sentiment de se plaindre
comme nos petits chiens dont on oublie la promenade
une robe se laisser retailler
sans susciter la culpabilité d’un sacrifice
et en fin de vie
cela fait de beaux chiffons
qu’on est fière de donner
aux bonnes œuvres
j’ai senti dans ma gorge ce jour-là
qu’il n’y avait rien à espérer pour nous ici-bas
alors fais
des hommes
ces écrins
de notre insignifiance
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