Ido Chawan 井戸茶碗

bols

Comment créer un Ido Chawan ?

Kim Dong Jun - Ido Chawan - 02

 

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Mythologies

Les bols Ido 「井戸茶碗」sont au Japon les bols les plus coûteux, symboles de l’esprit wabi-sabi dans la cérémonie du thé japonaise. Le « proverbe » 「一井戸二楽三唐津」(d’abord les Ido, ensuite Raku, puis Karatsu) en témoigne.

Le prototype en est le Kizaemon 「喜左衛門井戸」qui aurait été donné au Koho-an 「孤篷庵」, le temple conçu par Kobori Enshû un peu à l’ouest du Daitokuji, pour circonscrire sa malédiction liée à son premier propriétaire japonais, Takeda Kizaemon.

Sōetsu Yanagi écrit à son sujet dans le livre traduit par Bernard Leech, The Unknow craftman (« Artisan et inconnu ») :

Il n’y a pas de trace d’ornement, pas de trace de calcul. Il s’agit juste d’un bol de nourriture coréen, un bol. Qui plus est, qu’un homme pauvre utiliserait tous les jours – de la vaisselle la plus courante.
Un objet banal pour son usage; ne coûtant presque rien; fait par un homme pauvre; un article sans la saveur d’une personnalité; utilisé négligemment par son propriétaire; acheté sans fierté; n’importe qui aurait pu l’acheter n’importe où. C’est la nature de ce bol. L’argile aura été prélevé dans la colline derrière la maison; l’émail fait avec les cendres du foyer; la roue du potier, irrégulière. La forme ne révéle aucune intention particulière: c’est un exemplaire parmi de nombreux autres. Le travail aura été rapide; le tournage rude, fait avec des mains sales; la mise en forme négligée; l’émail a coulé sur le pied. L’atelier devait être  sombre. Le potier ne savait pas lire. Le four ne ressemblait à rien; la cuisson négligée. Du sable colle à la pièce, mais personne ne s’en soucie. Personne n’a investi l’objet avec des rêves. (…)
Mais c’est comme cela que cela devrait être. Le simple et le non-agité, l’incalculé, l’inoffensif, le direct, le naturel, l’innocent, l’humble, le modeste : où est la beauté, sinon dans ces qualités ? Le doux, l’austère, le non-orné – ce sont ces caractéristiques naturelles qui gagnent le cœur et le respect de l’homme.

D’origine coréenne, l’un des mystères vient de ce qu’ils n’en existent quasiment plus en Corée et ceux qu’on peut y voir ont en général été achetés au Japon. Ils auraient pu donc être à usage limité (brisé après un usage réduit dans le temps ? réservé à une seule personne ?). On en trouve dans les tombes.

Ils auraient servi pour placer des offrandes (nourriture) sur l’autel funéraire des gens du peuple pour honorer un disparu au nouvel an, à la fête des moissons et des fruits, lors de l’anniversaire du décès. Les nobles utilisaient des bols (en bronze ? ou céladon ?) posés sur des pieds en bois. Cela explique la forme large, et le pied haut. Peut-être la couleur. Leur spécialité limitait leur usage.

Selon les théories hautement spéculatives de Daniel Burkus :

  • Une communauté de Coréens, notamment nobles et hauts magistrats, aurait été contrainte à l’exil au Japon dans les années 1460-1470 avec l’intention d’y retourner (notamment ceux installés à Hakata qui aident et financent l’invasion de Hideyoshi en 1592). Chanoyu (sa variante initiale, Gokushin 「極眞」(« extrêmement formel ? »), requiert un set d’objet aux dimensions parfaites, et sa variation Wabi (ワビ=我美 et non 侘 utilisé par Sôtan) qui utilise les objets délaissés par Gokushin) viendrait de Corée avec cette communauté ce qui expliquerait la forme non-japonaise de nombre d’instruments de thé japonais, le petit nombre de pratiquants, leur concentration à Sakai (ville-état au sein du Japon et concentration coréenne), le très petit nombre d’objets de chanoyu au temps de Rikyu. Cette cérémonie du thé n’a rien à voir avec les tôcha (compétition de dégustation à l’aveugle) repris du thé des Song que connaissaient les Japonais.
  • Jôô, d’origine coréenne, se serait inspiré des kôkai (cérémonie centrée sur l’encens) de son ami et compatriote Shinô, pour créer le dispositif spécifiquement japonais de la chakai, en intégrant les éléments de Gokushin temae qu’il valide du jeune Rikyu formé auprès de Dôchin.
  • Nôami, le conseiller artistique du Shogun Ashikaga Yoshimasa, qu’il aurait introduit à ce thé et qui aurait été chargé de codifier les temae de daisu en 7 variations (1 shin, 3 gyo, 3 sô), serait la parfaite illustration de ces nobles exilés (le suffixe -ami trahissant cette connexion ? cf le grand-père, coréen, de Rikyu : Sen-ami).
  • L’histoire officielle de la Corée énonce que la fin de la dynastie Koryeo en 1392 est immédiatement suivie de la dynastie Joseon. Daniel Burkus construit  l’hypothèse qu’entre 1392 et 1460 (grande vague d’exil au Japon), le pays n’aurait pas connu de roi mais une « république » Han dont le symbole aurait été le chrysanthème à douze pétales. Le Nampô Roku, document qu’il faut prendre pour authentique, indique la présence de ce pays « Han »「韓=カン=ハン=漢」 au temps de la première cérémonie publique de Gokushin-no-chanoyu faite au Japon pour le shogun et sa cour en 1423 qui aurait stupéfait tous les présents par sa nouveauté. La « république Han » aurait été renversée par l’intervention militaire des Ming qui auraient tué 70 pour cent de la population.
  • Ce « républicanisme » « han » serait lié au mouvement ikkō-iki 「一向一揆」combattu par Nobunaga puis Hideyoshi (destruction de leur siège puis confiscation du terrain à Osaka pour le chateau) et l’esprit égalitariste présent dans la cérémonie du thé en serait une expression.
  • Le chanoyu coréen était une forme de méditation en action, pour offrir le thé à Bouddha. Puis a été graduellement adopté par la cour de Koryeo afin d’offrir le thé aux dignitaires. De là il essaime dans les cours Yuan et Japonaise. Comme il s’agissait au moment de son exportation d’une pratique de cour (et non de moine bouddhiste), le shôkyaku, l’invité principal était systématiquement un noble.
  • Gokushin, centré sur le daisu, serait pourtant originairement basé sur un hybride bouddhiste terre pure / zen promu par la secte Jogye 「조계종 = 曹溪宗」depuis le milieu de la dynastie Koryeo. Son dispositif aurait pour objectif de permettre aux participants de faire l’expérience de la Terre Pure du Bouddha Amida, l’expérience d’un samadhi.
  • Les Ido étaient des ustensiles je-gi 「祭器」 utilisé lors des cérémonies de culte aux ancêtres 「祭祀」, en Corée pendant la période Koryeo; le pied haut indique qu’ils étaient proscrits pour une utilisation courante.
  • Les Ido servaient de chasen oki dans la mizuya avant d’être utilisé dans le wabicha dont l’objet était de pratiquer un thé à l’opposition du gokushin sur daï avec objets de luxe et grande salle shoin : un thé pauvre utilisant des objets pauvres dans une petite pièce.
  • Chasen-oki ou kae-chawan à l’époque correspondait à la même fonction : apporter le chakin et le chasen, parfois le chashaku, dans la pièce de thé, lavé le chasen utilisé avec de l’eau froide à la fin de la temae pour ne pas que son « impureté » touche le tenmoku (omochawan, bol principal). Ce n’est que plus tard que le kae-chawan sert comme deuxième bol où l’on prépare du thé. Le cha-damari, la dépression au fond d’un bol, était auparavant chawan-damari, une dépression servant à stabiliser le petit tenmoku inséré dans le plus large kae-chawan.
  • Murata Shukô, lui-même exilé coréen, aurait utilisé un Ido (le Tsutsu-i-zutsu, cf le poème 72/100) lors d’une cérémonie pour l’offrir devant la tablette funéraire ou un objet (calligraphie ?) lié au défunt, lors du premier anniversaire de la mort de son maître. Puis aurait pris le bol de façon impromptue, touche le thé des lèvres et l’aurait passé aux cinq autres présents qui l’imitent : ce serait là l’origine du suicha (communion d’un koicha dans un seul bol). Mais les ido ne deviennent vraiment utilisés dans le thé qu’à l’époque de Jôô où ils sont acceptés comme kae-chawan pour les dokushin-temae (dai-tenmoku comme omo-chawan), puis utilisés comme omochawan pour le wabicha.
  • L’apparition d’un nombre de Ido à l’époque de Jôô pourrait être lié au voyage hypothétique de Rikyu (1522-1591) sur le continent – pendant les dix ans (1544-1554 : de 22 à 32 ans donc)  où il ne laisse aucune trace dans les archives. À l’époque de sa « disparition », il est juste un novice qui vient d’être introduit à Jôô par Araki Kitamuchi Dôchin (qui lui aurait donné comme cadeau de départ un bol Seto rouge adapté pour le wabicha qui aurait servi de modèle de commande nostalgique pour les akaraku). Sa famille aurait été ruinée et le but de ce voyage (financé par Jôô ?) aurait été de refaire sa fortune en allant chercher des bols coréens (à l’origine de l’essentiel (tous ?) des Meibutsu-te ido「名物手」: tous ont la dimension de 14.8 adaptée pour l’inakama de Jôô). À son retour Rikyu apparaît comme un maître confirmé qui convainc Jôô d’abandonner les pièces de 4.5 tatamis pour des pièces plus petites et pendant la dernière année de vie de Jôô en 1555 d’incroyables changement ont lieu dans le dispositif japonais.
  • Certains de ses ido liés à Rikyu auraient été détruits intentionnellement après son seppuku afin de détruire toute trace de sa mémoire : épisode du bol appartenant à l’empereur laissé tomber par Date Masamune.
  • Les ido ont un bord large : de 14.84 à 15.75cm de large. Le pied est d’un tiers du diamètre du bord.
  • La taille est liée au diamètre maximum possible dans le cas où le pied est placé sur le kane approprié : le bord ne doit pas traverser le kane suivant; 14.8 représente cette taille pour des tatami inaka-ma mais dans un arrangement kyōma, le diamètre maximum d’un bol passe à 15,75cm  parce que les tatami kyōma sont plus grands. Les kane (sept pour inaka-ma, cinq pour kyôma) sont des lignes imaginaires (yin/yang) structurant l’espace d’un dokushin cha.
  • Les ido seraient originaires de la région de Masan/Jinhae, petits ports au sud près de Busan, et dateraient d’un peu après la chute du Royaume de Goryeo/Koreyo (Korai 「高麗」 en japonais) : 918-1392.

 

Terre

Mélange de trois terres différentes trouvées au même endroit (Jinhae ?)  :

  • kaolin blanc
  • jaune ?
  • rouge ?

Tour

Petit tour aux dimensions d’un bol, au pied, qui seul permettrait de créer la dynamique, la tension de la forme

Corée - 2018 - 12

 

Séchage

Les pièces sont posées sur un espace chauffé au sol (ondol) qui à la fois chauffe la pièce et permet au pied de sécher le premier (pas le bord) afin de pouvoir le trimmer (le céramiste créait un longue série, cent ?, le matin et sculptait le pied l’après-midi) et créer la surface rêche qui permettra de produire le kairagi (la texture perlée caractéristique du pied).

 

Trimming

Le pied comporte au milieu une excroissance ressemblant à un noeud de bambou (afin d’éviter à l’émail de trop couler ?). La base du pied ressemble également à la membrane d’un bambou.
Le pied doit être haut pour sa vocation d’offrande.

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Séchage / biscuit

Certaines pièces auraient été biscuitées ? (le dernier étage d’un four droit ne produisant pas une température suffisante, aurait été réservé au biscuitage de certaines pièces)

Émail

Recette 1

70% felspath
15% coquilles de fruits de mer cuites et en poudre
15% cendres de pin rouge

Laisser dans une bassine sous l’eau de pluie pendant un an

Application : trempe avec deux doigts sur le bord et le pouce sur le pied

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Cuisson

Four à bois (pin rouge), anagama à chambre unique, avec montée en température très lente (70h de cuisson au lieu des 48h pour les fours à chambres multiples et ouvertures latérales pour adjonction de bois).

Réduction à 900-1000°c pour créer des zones de petit kanyu (texture morcelée de l’émail) et éviter un kanyu à grosses cellules homogènes (effet toile d’araignée).

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La température ne doit pas dépasser 1220-1230. À 1250, plus de kairagi, l’émail devient lisse.

Les bols sont empilés par dix les uns dans les autres (sur un cercle de petites boules de glaise parfois associée à de la farine de riz qui servent de tampon) : motifs 3, 5, 6 au fond du bol. Ils doivent être brisés (par un coup porté sur le bord) pour les séparer à la fin ce qui créé une faiblesse qui explique que tous les ido anciens ont des fissures.