Journal de cuissons : An 4

31 décembre 2021 : cuisson 169 (propane 700° et 1000°)

cuisson propane à manigod avec de la terre chamottée blanche GTP 0-0,5 et de la PCLI (grès à la fibre de papier) et des essais d’application d’oxydes (colorant rouge, fer de différentes couleurs) et de « sigilata » (le bleu a tenu, pas le « rouge ») avec un émail transparent en trempage, mélange d’au moins trois paquets de poudres différentes et un soupçon de colle à papier. les pièces laissées dans le four toute la nuit. puis encrées un peu plus tard. un kanji 玄 calligraphié au fond avec de l’argenterie duncan SY1025.
les oxydes appliqués à la paume sur les pièces encore humides. le rouge s’est regroupé en zone. Le fer noir a viré parfois au vert-jaune marécage et en se regroupant également.
kannyu petit, serré, intéressant, sans doute lié au refroidissement non brutal. a bien bu l’encre.
le bleu sigilata est trop fort.
pour la forme, le point clé est la hanche. je n’arrive pas encore à trouver la technique pour la lèvre. trop ondulée cela ne va pas. elle doit rentrer mais avoir au moins deux points qui brisent cette symétrie et pétalent vers l’extérieur. je n’essaie plus de créer de texture externe. l’alliage de la fente et de formes masculines visent toujours le shamanisme des sculptures préhistoriques.

25 novembre 2021 : cuisson 168 (électrique 1050° et 1050°)

avant la cata166 et l’arrêt du four, il me restait un batch de bols à biscuiter et cuire.
comme je ne suis pas certain de pouvoir créer une autre série avant mon vol de fin d’année pour manigod, j’ai tenté de gagner un jour en lançant une cuisson unique, sans biscuitage, en émaillant l’intérieur avec de l’aka-raku (un émail pour raku rouge prévus pour 1000°). Surprise, la même terre de bizen qui peut produire un beau rouge (aka matsu sous la pluie) et un beige bof, a produit ici un saumon « aka-raku ».
j’avais enduit le fond de quelques bols avec une quasi-sigilitta. Tous ces bols ont craqué au moment de l’émaillage au pinceau.

un test d’étanchéité des bols non craquelés a montré qu’ils sont tous poreux. je relance donc une cuisson après avoir émaillé l’extérieur, toujours avec de l’aka-raku.

18 novembre 2021 : cuisson 167 (électrique 1230°)

Après un arrêt d’un mois, le four est enfin réparé.
la cuisson catastrophe 166 qui a fondu plusieurs résistances (qui arrivaient par ailleurs à bout de souffle) m’a conduit à devoir trouver un magasin pour la réparation. Zenbee à Osaka. La commande des résistances et des connecteurs a pris du temps. Et il aurait fallu voir la tête des deux techniciens quand ils ont ouvert le four : stupéfaction horrifiée tentant d’être contenue pour ne pas paraître trop impolie et afin de pouvoir annoncer sans drame la nécessité d’autres pièces (à commander) et une deuxième intervention. En connectant les résistances fondues (en les sortant de leur lit, les étirant et simplement créant un tour avec une pince d’électricien), un test était possible : lancer une cuisson à 800 qui a fonctionné et a permis d’éliminer tout le noir de la suie à l’intérieur du four, mais pas sur les connecteurs ni sur les pièces isolantes à l’intérieur desquelles passent les résistances pour être connectées à l’extérieur). Si cela n’avait pas marché, il aurait fallu emporter le four pour le nettoyer en atelier puis le replacer : coût de l’opération triple (près d’un four neuf)…
Cet échec m’aura au moins permis d’apprendre comment changer les résistances (ici, celles d’un Nidec dub-05).
Une dizaine de vis pour enlever le capot avant masquant l’accès vers les résistances connectées par des dominos métalliques.
Les résistances neuves sont plus petites que celles usées qui ont gonflé et sont devenues cassantes.
Lors d’un premier changement, il ne faut pas hésiter à retirer (en utilisant un tournevis comme un couteau) un peu de brique réfractaire pour agrandir le lit des résistances et faciliter l’installation des neuves. Le genre de truc qu’aucun manuel n’indique.
Retirer les résistances s’opèrent en coupant des morceaux et en forçant/tirant.
Il faut faire très attention à ne pas laisser de morceaux de résistances usées ni de suie pour éviter un court-circuit. Pinceau et aspirateur pour s’assurer de cette étape.
L’installation des résistances neuves est simple.
première étape : plier à la pince les tiges de sorties pour faciliter l’insertion.
La forme des lits est polygonale. On place la résistance dans le coin le plus au fond puis on étire (en faisant très attention de ne pas rompre la résistance) et on forme les coins pour que la résistance soit uniformément dans son rail.
Les tiges qui sortent sont longues. On installe les dominos puis on coupe les tiges en faisant attention à ce que le reliquat ne touche pas la plaque métallique externe du four ni les ceintures métalliques qui maintiennent la structure des briques réfractaires (risque de court-circuit).
On lance le four à pleine puissance pour vérifier que les résistances marchent. Après quelques minutes on arrête et on touche prudemment les connecteurs pour voir s’ils sont chauds : si c’est le cas (ils ne doivent pas l’être), il faut resserrer les vis.
l’opération a duré deux bonnes heures.

sans four, mes mains n’ont pas touché la terre pendant quatre semaines… ce qui m’aura conduit à d’autres projets : forêt, vagues, publication de quarantine21, mise en place d’un compte instagram, photos. je recommande vivement le laser laserpecker2 pour graver des pièces de bois, notamment des plateaux, qui sont pour la céramique ce que sont les cadres pour une toile.
mais ne pas créer d’objets m’a rendu malheureux.

Je comptais passer du temps sur le projet impliquant une imprimante 3D. commandé et reçu la Prusa mini plus (avec du filament PLA noir). grosse déception : gaspillé un temps immense (plus de dix jours à raison d’une heure par jour) à régler la taille de la première couche et trouver une solution au problème de son adhérence. Laver la plaque au liquide vaisselle, puis le stick de colle m’ont permis d’imprimer un premier test mais quelle lenteur ! Trente minutes pour un petit bout de rien. Le moindre réglage de première couche prend 10 minutes. Les ventilos font un bruit désagréable. C’est une machine qu’il faut laisser dans un garage pendant une journée pour produire un objet de taille raisonnable. Le temps perdu dans le réglage préalable m’a conduit à ne pas passer le temps de création que je comptais investir dans Nomad Sculpt (sur ipad Pro) et blender.

cette cuisson 167 a consisté à recuire les pièces de la cuissons 166 avec du transparent à l’intérieur pour tenter les étanchéifier. Mais comme ils ont déjà été cuit deux fois (la première à 1230), l’émail n’a pas été bu par la pièce.
à la sortie, stupeur : le beau rouge de la terre est devenu le beige habituel du bizen cuit à l’électrique. toutes mes cuissons depuis deux ans n’ont donc pas atteints 1230 (probablement 1100). autre surprise, l’émail interne, trop fin, n’a pas permis de combler les fuites (naturellement créées par tous les éléments hétérogènes de cette argile et qui lui donne son goût). sauf pour trois bols. l’émaillage interne uniquement a produit également comme des cloques dans la terre. Les scories de l’argile ont également pris de chouettes couleurs.

13 octobre 2021 : cuisson 166 (électrique 1230° – 950° interrompu)

Grosse, grosse erreur, hier soir.
Avec l’argile de bizen E(?) dont je pensais qu’elle était jaune alors que c’était la même que celle du pain précédent (cuit du beau rouge que j’aime mais qui est noire, crue), j’ai voulu testé une cuisson sans émail en utilisant la technique du nuka (son de riz) dans une gazette (saya) à l’intérieur du four électrique (après une première cuisson directe à 1230).
Comme c’était la fin de mon stock de nuka, j’ai rempli totalement la grande et la petite saya.
Lancement de la cuisson vers 950° en milieu d’après-midi.
À 18h délicieuse odeur de céréales chaudes autour de la maison.
À 19h, odeur forte de fumée.
Trente minutes plus tard, odeur acre de cramé. J’entends des voisins s’alarmer un peu plus bas se demandant si ce n’est pas le départ d’un incendie.
Grosse trouille. Arrêt du four d’urgence (vers 560). Serviettes mouillées pour tenter d’absorber la fumée. Vraiment affligé de créer du souci autour, d’incommoder avec l’odeur de fumée (alors qu’il fait chaud et que la saison prête encore à garder les fenêtres ouvertes), et l’appréhension à voir débarquer les pompiers et la police à tout instant. Il devait pleuvoir ce soir là…
Ce matin, odeur encore forte. Les bols sont devenus d’un bordeau-bizen ici et là.
Mais surtout les résistances du four (qui avaient déjà leur compte d’heures – il est recommandé de les changer après 1000h d’utilisation) sont noires et ont fondu à plusieurs endroits.
Fin de l’expérience saya-nuka à Kyoto.
Bonus : tous les bols fuient

05 octobre 2021 : cuisson 165 (électrique 700° – 1230°)

Pour tenter toujours de résoudre le problème de fissures et de tension, tentative d’émailler le fond extérieur. Ce n’est pas beau. Préparation d’un émail plus dilué, le précédent étant trop concentré. Certains bols entièrement trempés. Avec plusieurs bols provenant de restes d’argiles différents dont les grumeaux ont donné des formes organiques probablement trop médicales.

Je commence à comprendre à peine l’enjeu pour les hanches et les lèvres. Il ne s’agit pas simple de casser la symétrie de la ligne sur les axes X et Z mais également sur l’axe Y : notamment pour les lèvres, si elle est principalement rentrée vers l’intérieur, alors il faut la trimmer pour qu’elle donne le sentiment de plis (5 dans mon choix du motif d’ume) tournés vers l’extérieur.

01 octobre 2021 : cuisson 164 (électrique 700° – 1230°)

Pour tenter de résoudre le problème d’étanchéité de la précédente cuisson, double couche d’émaillage interne. Cela créé trop de tensions à la sortie du four et donc de vraies fissures (dans 4 des bols du plateau le plus haut). L’encrage a également coulé depuis les fentes de l’émail sur la terre extérieure.

28 septembre 2021 : cuisson 163 (électrique 700° – 1230°)

Réouverture du four de Kyoto. Avec une terre de Bizen (E), émaillée en transparent à l’intérieur puis encrée à chaud (150C). Malheureusement cette terre contient de nombreux morceaux de différentes natures qui créent des fissures. Plusieurs bols fuient.
Essais (sur de l’argile rouge non cuite avant l’été) avec le petit laser reçu avec plusieurs mois de retard pendant l’été : Laser Pecker 2 : un outil un peu cher mais que je recommande vivement pour sa simplicité d’utilisation et ses applications pour un céramiste (boites, plateaux, présentations). Le Laser grave sur de l’argile nue et sur de l’argile biscuitée. Mais tout disparait à la cuisson finale sous l’émail. Ne grave pas (il faudrait utiliser des dispositifs à base de peinture noire sans doute) sur des pièces émaillées (au moins au transparent).

Poursuite de la « naissance d’un style » : ces bols racontent ces histoires :
– 松竹梅 : pin-bambou-ume : les trois amis de l’hiver, symbole de la résistance aux temps durs, l’ume, symbole de la beauté, de la vivacité. Pied rond avec 5 pétales d’ume. Ce motif des 5 (pétales d’ume) revient à la fois pour rythmer les hanches et les lèvres. Pin : la couleur de « pin rouge sous la pluie » de ce bizen E. Bambou : le fushi (noeud) juste au-dessus du pied (reprise du motif des bols ido).
– Masculin / Féminin : forme générale un peu droite, plutôt masculine. Une fente. Presque indécente. Mais trop symbolique pour l’être vraiment.
– divin / humain / animal : pied tomoe et fente de divinité préhistorique. Une prise en main chaleureuse, à dimension humaine, avec un émail kannyu encré qui renvoie à l’écriture, à l’intellect. Et un aspect brut, rough, dans la texture, la terre brute ou partie des formes.
– qui élève, inspire, mais aussi contient, protège
– fragile, imparfait, à la fois léché et bouiné.
– un bol réussi est celui qui allie tous ces motifs harmonieusement, sans défaut majeur. Et sans fuir :). Qui acquiert un bol, accueille un survivant !

11 septembre 2021 : cuisson 162 (gaz 700° – 1030°)

– Argiles : omaha (chamotte « impalpable »+restes de tpasta)
– sigillata (saumon, rouge, oxydes) puis jus d’oxydes (colorant « rouge » et fer noir) : superposition de couches calligraphiant 玄 à l’horizontal.
– émail : PR1000, à la louche
– cuisson à 1030 en oxydation

sortie : le colorant « rouge foncé » (ceram decor DQ5021) seul est vraiment resté (mais uniquement au dessus de la sigilata). Le reste, à 1030, a quasi-disparu ou donne du bleu-vert (le PR1000 donnant du jaune sur cette terre). Ce rouge est franchement trop saignant à mon goût.
l’oxyde de fer noir a créé des points durs et désagréables sous les doigts.

4 émaux de tests : brun châtaigne (RA223), Brun roux A90, chamois A2753 : monstruosités (façon caramel popcorn ou huile de vidange où on ne voudrait pas mettre la pâté d’un chien errant).
et un transparent PR1430 (qui a donné du vert comparé au PR1000 et qui a coulé davantage).

A nouveau déception compte tenu de la débauche de couleurs attendues. 1030 semble trop haut pour ce dispositif.

2 septembre 2021 : cuisson 161 (gaz 700° – 980°)

– Argiles : restes de tpasta + ocre jaune / terre rouge foncée chamottée.
– émail : akaraku (un peu de PR1000) et….. grosse erreur : ajout de morceau de charbon à de l’akaraku en surcouche: j’avais oublié que cette recette qui fonctionne à Kyoto, produit dans le dispositif de Manigod juste un jaune goudron…
– à 980, réduction pendant 10mn jusqu’à 900. A la coupure du gaz, le four remonte seul à 925. Ouverture du four à 150.

Encore du gris marbré parfois d’orange. Façon photo de galaxies lointaines. Mais pas l’orange chaud (akaraku) que je cherche.

Formes : j’ai décidé de supprimer la texturisation avec la branchette d’ume.
Process : montée d’un tube au tour, suivant la terre et les spatules de bois utilisées, le tube, plutôt haut, trouve sa personnalité. Avec une baguette, création d’une fente de déesse antique. Laisser sécher un peu pour avoir un cuir plus solide acceptant la mise en forme. Sculpture du pied (rond, tomoe, puis retrait de 5 parties pour créer une fleur d’ume). Utilisation d’un bout de corne de cerf pour mettre en forme le bassin en cinq coups : droite gauche, droite, petit, bas. éventuellement pour la lèvre, inversé (cinq fois) la courbure. le trimmage interne apportera lui aussi ensuite des déformations à l’ensemble.

Un bol en argile bordeau lisse, sigilattée, a produit du blanc.

beacoup de coulures sur les pieds (effet du charbon ?) : une meuleuse de table et un dremel (moteur suspendu), EPI, font partie des outils du céramiste…

27 août 2021 : cuisson 160 (gaz 700° – 980 – 880°)

argiles : mélanges de différents restes de rouges (trimmés recyclés).
Sigilata rouge et porcelaine sur le cru.
« Argent » : Specialty product Duncan SY1025 (donne vert sombre avec traces de rouge sombre, sous l’émail) : pour tracer des kanji (玄) dans les bols.
émail : akaraku à la louche.
Pas de mise en forme à l’ume, juste à la corne de biche et fentes à la baguette.

Cette cuisson intéressante ouvre des pistes.
– 700
– 980 puis fermeture du gaz pour redescendre à 700
– puis remontée à 880 et réduction au bruleur et à la « cheminée » jusqu’à 850
– tout laisser dans le four jusqu’à 100.

pas de rouge (quelques nuances dans les pieds non émaillés) mais plus de vert/noir sombre. Du saumon apparait en marbrage dans un gris léger. J’ai l’intuition que tout se passe au moment de la « réduction » qu’il faudrait plus longue.

Une erreur : avoir utilisé de la porcelaine (je pensais avoir du
vert/noir, donc je voulais un contraste). S’est amalgamé par endroit et le contraste est trop fort.
la double cuisson n’a pas donné les flots que j’attendais.
mais les bols ont quelque chose.
L’absence de choc thermique annule le besoin de chamotte (qui surface au moment du trimmage). Cela ouvre des pistes avec des terres plus lisses.

Comme j’étais impatient de tester le système des 3 cuissons, certains crus n’étaient pas suffisamment secs. Trois bols ont explosé au biscuit. J’en ai profité pour placer 4 bols de la cuisson précédente qui avaient des fissures, colmatées avec du transparent de spectrum. Trois de ces bols sont ressortis « réparés » (j’ai appris entre-temps que les epoxy « bijoux » ne sont pas alimentaires).

Poursuite des tests de laser, notamment sur des plateaux (une céramique doit être habillée et chaussée) : plateaux hyakunin-isshu.

23 août 2021 : cuisson 159 (gaz 700° et 1000° puis 900°)

Poursuite des tests visant le rouge avec test de plusieurs échantillons d’argiles :

  • Boréal stone : ressemble à de la shigaraki (gros « cailloux », difficile à tourner et trimer) . Une cuisson à 1000 non émaillé à l’extérieur lui donne une jolie couleur crème. Impératif de l’émaillé à l’intérieur pour des liquides.
  • Brazil (que je connaissais déjà : très facile à tourner/trimmer, rouge pétant cru, a donné du noir
  • GECH 30 : plastique
  • une terre jaune chamottée avec de gros grains blancs (554?). Déçu, je pensais trouver quelque chose de proche de l’akaraku japonais. La chamotte est trop grosse, pas agréable à travailler. A tourné noir. Mais donne envie de créer de l’akaraku en mélangeant une argile blanche plastique avec de l’ocre.

émaillé à l’akaraku et au transparent Spectrum.

Aucun rouge au final alors que le biscuit donne de belles couleurs.
Suspectant un facteur d’oxydoréduction lié à la température (le pyromètre est haut dans le plafond du four alors que les pièces sont posées sur une dalle plus chaude), j’ai tenté une troisième cuisson en les faisant remonter à 900° puis en les laissant dans le four jusqu’à 150° (pour les encrer – ce qui n’a rien donné avec ces émaux).
Effet intéressant de « vagues » sur des bols dont le transparent a tourné bleu. Le bleu s’est réparti dans des vagues organiques à la troisième cuisson : à 900° l’émail n’a pas complètement fondu de façon liquide et donc sa répartition peut s’expliquer ainsi (une imprégnation du biscuit à 1000 puis des fontes partielles à 900). J’ai eu immédiatement envie de retester ce processus dans la cuisson suivante.

Bourde de débutant comprise : si l’on crée sa propre chamotte, il est impératif de la tamiser pour éviter que des gros grains créent des éclats à la cuisson finale.

15 août 2021 : cuisson 158 (gaz 700° et 1000°)

Après du temps passé, la semaine dernière, à tester une méthode pour la production de boites en bois (technique quarter-quarter-quarter avec une défonceuse sous-table), cuisson de test : différentes utilisation d’un laser (ortur laser master 2, 15w, lightburn) sur des assiettes (crouteuse 10mn puis technique de l’applatissage sur de la mousse façon massage cardiaque avec une planche plus petite pour créer les bords). Argile terracota espagnole rouge (acquise la moins chère possible au cultura du coin pour combler en urgence une fuite dans la fromagère).
Le laser à pleine puissance et faible vitesse crée une marque nette, précise qui ne part ni au biscuit ni à la cuisson finale à 1000°. A haute vitesse, des éclats se forment, sautent et la trace est moins belle.
Test en laissant tel quel avec des kanji (notamment créés avec Adobe Capture à partir du livre « Aux sources de l’écriture chinoise » de Wang Hongyuan que je recommande chaleureusement).
Test en creusant les kanji avec un instrument de dentiste et de petits ciseaux. Puis remplissage avec de la porcelaine diluée (ce qui ne supporte pas mes bouinages).
Toutes les assiettes (11kg : 8 assiettes, une à explosée au biscuit) émaillées, à la louche sur une face au PR1000. Puis enfumées à la sortie des 1000°.
Seule une assiette utilisable. Cette argile ne supporte pas les chocs thermiques, même à cette épaisseur. Il faudrait la chamotter.
Surprise : une seule assiette rouge, 4 assiettes noires et bleues ! (le PR1000 aurait-il réagi au foin à l’enfumage ?)

Que de la laideur !
Test concluant quant à l’utilisation d’un laser pour la céramique.
Reste désormais à apprendre à intégrer l’outil au service d’une authentique création.
Sortir une note d’un shakuhachi, ce n’est pas savoir en jouer.

31 juillet 2021 : cuisson 157 (gaz 700° et 1000°)

Des argiles principalement rouges diverses mélangées avec un peu de blanc et de la chamotte autoproduite à la massue. Un peu de barbotine de porcelaine gratounettounée. Biscuits en papillotes (3 bols explosés parce que j’ai voulu les cuire « retournés » afin que le gloubiboulga d’ingrédients marquent la lèvre et non seulement le pied : mauvaise idée évidente). Puis émaillés au PR1000.
Enorme déception. Tout est devenu vert de gris et les super-épaisseurs volontaires de PR1000, jaune pisseux. Il y avait de bonnes formes pourtant.


Pas eu le courage de relancer le four pour tenter une petite réduction vers 900. Il aurait peut-être fallu les enfumés pour aboutir au même résultat. L’encrage au pinceau n’a rien donné. Toutes les traces laissées par le biscuit-papillote disparues : ne pas insister là-dessus.

24 juillet 2021 : cuisson 156 (gaz 800° et 1100°)

Une amie souhaitait tester les limites du four dans laquelle elle fait habituellement du raku et tenter de le monter jusqu’à 1200. Bols en tpasta. Emaillés avec des émaux 1200° (graphite de spectrum, divers cendres et transparent mat). Le four n’est pas monté à plus de 1100 (risque d’incendie du toit protégeant le four, absence de cheminée, chemin de flamme des deux bruleurs et isolation insuffisante). Les émaux ont donc sous-cuits (sauf le mat transparent qui a coulé !) et il est prévu de recuire certaines pièces à l’électrique. La texture rapeuse des émaux sous-cuits me plait.

18 juillet 2021 : cuisson 155 (gaz 800° et 1010°)

Grosse déception. Les bols, tous en PCLI blancs, avaient de belles formes avant le biscuit. La réduction en taille et le lissage des micro textures de la cuisson finale les ont rendu moches. L’effet d’émail lisse sur terre lisse n’est pas agréable à mon goût et me conduit à vouloir retourner à des terres chamottées et notamment la tpasta (qui ne bouge pas en taille).
L’absence pendant un an et demi du chalet m’a conduit à devoir jeter des restes du stock alimentaire périmé. Plutôt que de les jeter directement, j’en ai utilisé une grande partie pour faire des papillottes (« gazette » en papier aluminium rempli d’un gloubiboulga d’éléments façon pitfiring). Couleurs intéressantes au biscuit. Ternies après la cuisson finale et émaillage par trempage au PR-1000.
Acquisition d’un graveur laser (ortur laser master 2, 15w, lightburn) pour des tests (gravure sur boites, planches, cuillères pour cérémonies, plaques, etc), création de pochoirs par découpage papier. Tests rapides sur la céramique : ne donne rien sur des pièces cuites. Rien sur du biscuit blanc, mais marque du biscuit rouge. Marque des pièces crues blanches. Tests à poursuivre.
Peu (2, 3) de pièces à garder.

11 juillet 2021 : cuisson 154 (gaz 700° et 1010°)

Retrouvailles avec l’atelier et le four de Manigod.
Biscuitage, émaillage et cuisson finale dans la même journée.
Retrouvailles avec la Tpasta que j’aime parce qu’elle garde sa taille et pour son grain.
Test d’une PCLI blanche de Sio-2. Réduit trop à mon goût, trop lisse. Mais tient le choc d’une cuisson raku.
Application sur un biscuit rouge d’il y a deux ans d’un « émail » argent en forme de 玄 placé sous l’émail transparent. A fondu en parti mais donne un effet noir intéressant.
Emaillé au pistolet à l’ATP 14/1 mais je n’ai pas su doser l’épaisseur avec la création de flaques au fond des bols à la fin. Pas convaincu pour du transparent où le trempage reste l’application la plus simple.
Test d’une réduction finale de 1010 à 950. A eu un effet sur deux bols émaillés avec des émaux à effets (rouge a donné noir, émail spectrum glaze a eu ses dégradé de couleurs psychédéliques)
Retenus : 4 bols blancs encrés.
Confirmation de l’impact définitif du bol de Sugimoto sensei sur mes formes de bols. J’ai utilisé des branches d’ume du jardin de manigod et une corne de vache pour mettre en forme et « raconter une histoire ».

15 juin 2021 : cuisson 153 (électrique 700° et 1230°)

La couleur de la 朱泥-shudei de e-nendo me plaisant, j’ai voulu tester une petite série « à la Ido » avec. Mais mon seau de kairagi a perdu un peu d’eau et l’émail était trop épais pour presque tous les bols dont la taille des cellules les rend inutilisable pour du thé. Un bol pourrait être sauvé mais le risque est toujours qu’un petit morceau de « verre » tombe dans le macha. Un test raté. Forme et émail.

Dernière cuisson à Kyoto pour ce printemps. Si tout se passe bien la prochaine à Manigod. Les personnes qui voudraient échanger avec moi au chalet peuvent me contacter pour cela.
J’aimerai vraiment trouver le matériel pour construire un petit four à pellets.

J’ai enfin pris un peu de temps pour mettre sur chawans.net de nouveaux bols.
Je rechigne et suis vraiment peu efficace pour ce travail. J’aimerai trouver quelqu’un qui se chargerait de l’édition et de la promotion du site…

09 juin 2021 : cuisson 152 (électrique 1230°)

Test de la Teracotta de E-nendo. Directement à 1230 en prévision d’un saya-nuka. Mais la couleur sans deuxième cuisson me plait.

Formes inspirées par le bol de Sugimoto sensei : il faut à la fois une tenue des parois masculines, conserver la courbe de la sphère tronquée qu’est un bol, et briser chaque symétrie, chaque série de motifs répétés. À la fois sur la lèvre, en texture (branche d’ume non plus roulés mais spatulés), à la hanche, au cul, au pied. Et à l’intérieur avec sa lèvre interne.
Si la lèvre rentre majoritairement, prévoir au moins deux zones où elles se dirigent vers l’extérieur.
Pour arriver à cette mise en forme, la terre doit avoir la bonne consistance et il faut après l’avoir monté au tour attendre quelques heures puis retravailler ensuite dans différents états de cuir de plus en plus sec.

En revanche, gros problème de S-cracks. J’aurai sans doute dû retourner les bols plus souvent au moment du séchage. Ou les couvrir d’une feuille plastique pour tempérer le séchage alors qu’il fait désormais chaud.
Est-ce qu’un bol craqué a moins de valeur quand il peut faire un très beau pot à Bonsai ou à petit ume ?

30 mai 2021 : cuisson 151 (électrique 1230° et 800°)

Premiers tests franchement ratés de kyusu montées au tour à main, façon yixing.

Test d’une nouvelle argile de chez E-nendo : n°70 S 赤ロット. Pas très facile à tourner (molle), avec un énorme retrait à la cuisson. Chocolat, crue. Et crême, cuite mais… qui pourrait devenir violette (façon zysha) avec un bon paramètre de réduction.
Malheureusement la deuxième cuisson en saya-nuka était trop faible en température (800°). Aucun changement . Il set possible que le paramètre déterminant soit moins la température que la durée (il faut plus de temps au four électrique pour monter à 900 qu’à 800). 900° semble le bon réglage.

Il y a à Shigaraki un marchand de plantes, réputé dans la région. Tous les maîtres d’ikebana célèbres (川島南智子 Kawashima Nachiko !) de Kyôto y viennent régulièrement. Ainsi que les céramistes du coin. Certains parmi les plus connus. Qui lui laissent leur b-grade. J’ai pu acquérir ainsi un bol de 杉本貞光Sugimoto Sadmitsu (le « maître » de Hosokawa Morihiro) dont la forme a incroyablement de force (vibration momoyama). Une grande partie de la vibration vient du travail de la lèvre, très irrégulière, comme un tissu déchiré. J’aime le rouge de l’argile de Shigaraki cuite au boit. J’aime le relief de l’émail de cendres, sa texture à l’oeil. Pas son toucher. Ni les tons de peaux mal tanées. Ce bol confirme que c’est la ligne qui donne toute la vibration. Cela parait si simple un bol. On se dit que ce n’est pas un visage. Et pourtant quelles subtilités pour arriver à créer un bol qui vibre.
Il faut du temps pour passer d’une tête à la Loomis à un portrait non-photomaton. Plus encore pour un portrait sans modèle de référence sous les yeux.

Autre expérience récente : les petites théières sans émail, si on oublie des feuilles infusées de thés fermentés (oolong oxydés) dedans pendant un certain temps, prennent une mauvaise odeur. Que j’ai fait disparaître en recuisant la pièce (et qui a repris son rouge oxydé).

12 mai 2021 : cuisson 150 (électrique 700° et 1230°)

Cuisson de tests. Après avoir vu une vidéo chinoise ajoutant une louche d’eau dans des tenmoku sortis à chaud du four (avec une argile rouge à nabe capable d’encaisser le choc thermique), je voulais tester l’opération. La pluie m’a fait reporter l’utilisation du petit four à charbon et j’ai donc seulement cuit une partie des pièces avec différents émaux.
Le reste de Namako d’Iwasaki sur le nabe rouge crée un contraste plutôt chaleureux. Mais deux applications croisées au pinceau ont quand même créé des retraits. Il faut que j’en achète suffisamment pour un sceau et un émaillage par trempage.
Maruni A1 blanche fine, et mélange de Maruni 718 緑条痕釉 (cendres naturelles marron) et bronze (noir) de Mizuno : l’émail de maruni fonctionne bien sur ce blanc fin. A un côté patiné, métallique « vieille moutarde » mais uniforme. Il faut lui associer.
Une bouilloire en A1 avec uniquement l’intérieur émaillé en transparent a percé en spirale.

Aka-nabe et mélange de deux tenmoku de 新日本造形 (Shin Nihon Zokei) :
Le « goutte d’huile » 油滴天目釉 255-746 est quasi-lisse et marron. Quasi sans gouttes.
Le « noir » 黒天目釉 255-790, qui fait ses gouttes d’huiles mais qui cloque. A tester sur une terre plus fine, en trempage, et peut-être en association avec du Namako.
Aucune pièce ne vaut dans ce mauvais test.

27 avril 2021 : cuisson 149 (électrique 1230° et saya-nuka 900°)

Visite à Shigaraki d’un magasin d’argiles et d’émail que je ne connaissais pas. Il s’agit de deux sociétés soeurs (argile d’un côté, émail de l’autre). Qui ont pourtant un site commun : https://e-nendo.xyz
Beaucoup de choix et un mur d’échantillons impressionnants et bien fait.

Je suis vraiment heureux d’y avoir trouvé de la 朱泥, shudei, « boue vermillon » qui est l’argile de référence pour les ustensiles de thé en Asie (associée à Tokoname au Japon). C’est un type d’argile que l’on trouve un peu partout et qui devait être celle utilisée pendant la période Jomon. Mais dont les qualités pour l’infusion du thé et les gradients de couleur peuvent varier selon la présence et la teneur de divers oxydes et minéraux (le fer lui donnant sa couleur rouge).
Celle vendue ici a produit à 1230° en oxydation un très très beau rouge. Proche de mon idéal de « pin rouge sous la pluie ». Les pièces ont de l’aji dès la première cuisson et cela provient des différences subtiles de couleurs dans les textures sur les pièces (alors qu’en général, les pièces vendues dans le commerce et se réclamant de cette terre ont une uniformité horrible).
https://e-nendo.xyz/product/74/

Résultats vraiment intéressants de la cuisson saya-nuka : la réduction a été quasi-totale et les pièces sont devenues noires. Trois facteurs d’explication possibles :
– l’argile (plus ferrique que l’A4M?)
– le volume de nuka (important cette fois, il faudrait que je compte le nombre de louches tirées du grand sac)
– l’étanchéité de la saya

Quelques tasses blanches en Maruni A-1 n’ont pris strictement aucune couleur / gradient.

Pas de points blancs. Autant j’aime la couleur rouge de la terre à 1230 en oxydation, autant je ne suis pas un fan du résultat réduit. La terre est plus légère, à la fois plus compacte et plus « magmatique » que les terres rouges précédemment testées. Boire dedans a un côté plus urbain que les autres terres plus rustiques pour lesquelles vont ma préférence.

21 avril 2021 : cuisson 148 (électrique 1230° et saya-nuka 900°)

Achat d’une grande saya pour caser le plus de bols possibles. Le problème consiste à l’insérer dans le four à ouverture verticale sans se casser le dos et sans avoir à se contorsionner pour appliquer de l’argile crue pour boucher les interstices du couvercle. Deux longues paracordes ont fait l’affaire.

Il n’y a strictement aucun risque d’incendie dans ce dispositif et le four lui-même est posé dans un espace entouré de béton dans le jardin. Mais l’odeur de goudron de nuka est présente autour de la maison. Et à Kyôto où toutes les maisons sont en bois, chacun est parano après avoir été témoin de la façon dont un bien peut partir en fumée en quelques minutes (deux maisons dans le quartier ces trois dernières années). Vais-je pouvoir continuer sans que plusieurs voisins me demandent à la kyôtoïte 「陶芸、いいですね」(« la céramique, c’est chouette n’est-ce pas ? ») me signifiant qu’il faut que j’arrête ?

Utilisation en sus du nuka, de feuilles de thé utilisées, séchées. Pour le symbole : produire des instruments de thé avec du thé.

Les bols cuits en saya sont ceux d’une précédente cuisson (145). Ils ont acquis quelque chose. Mais il manque une strate de patine. Je vais tenter le polissage à grains hyper fins. La tentative du polissage final à la cire d’abeille produit une sensation de collant qui ne va pas. Je me demande quelle cire (carnauba ?) à usage alimentaire pourrait éviter cela (pour ne pas évoquer la question de l’odeur et de l’impact sur le goût, cela va de soi).

La deuxième cuisson à 900 en saya à créer moins de points blancs qu’à 950°.

18 avril 2021 : cuisson 147 (électrique 1230° et saya-nuka 950°)


Série de 茶海 (chahai), récipient dans lequel on verse l’infusion faite dans la petite théière pour les thés chinois (afin de contrôler le temps d’infusion). En argile Maruni A-1, grise nue, mais blanche à 1230° alors que je la croyais rouge :).
Une pièce a explosé à la cuisson et plusieurs avaient des S-cracks au fond. Problème d’évacuation de l’humidité et pièces non suffisamment « pressées » au fond (tournage à la motte).
Test pour voir si la cuisson dans la saya sans fermeture par argile crue ni nuka pouvait pourtant créer une mini-réduction : néant. Le « tartre » dans la saya (résidu de la calcination du nuka qui ne ressemble pas vraiment à de la silice) a collé une pièce. Je me demande comme le supprimer : acide (il n’avait pas réagi au vinaigre… donc il faudrait pourtant aller de l’autre côté de l’échelle en PH, kana) ?

Deuxième cuisson en saya-nuka à 950°. L’aji est sorti. Ne reste plus qu’à les poncer.

16 avril 2021 : cuisson 146 (électrique 950°, saya, nuka, keep de 60mn)

Deuxième cuisson à partir de pièces cuites à 1230°.
Aucune différence sensible entre une cuisson à 1000° sans keep et une cuisson à 950° avec un keep d’une heure. Ce qui joue dans le dégradé, c’est la proximité à une autre pièce (bols encastrés) ou au bord nu de la gazette, ainsi que le recouvrement total ou partiel de la pièce dans le nuka.

Mars – 13 avril 2021 : cuissons 141-145 (divers)

Exploration des kyusu (petites théières) en terre rouge, fine, compacte, sans émail (ancien achat de Voices of Ceramics puis trois terres prises chez Maruni dont A1 et A4M + « Kyoto small stock »). Cuisson à 1230° sans biscuit. À la sortie du four les pièces n’ont pas d’aji. Si on laisse de l’eau (même sans feuille de thé) dedans pendant quelques jours, des tâches noires apparaissent uniquement à l’extérieur qui font penser à une sorte de suie (cela s’essuie), pas vraiment un jus d’oxyde. Mais qu’est-ce qui peut survivre à 1230 et sortir ainsi ? Ces tâches créent une patine mettant en valeur les reliefs. Cela fait à la fois un peu sale mais beau. Comme une pièce jomon trouvée dans un champs.

En recherchant sur les kyusu japonaises, je suis tombé sur les informations précieuses rassemblées par Hojotea sur les céramiques de Sadogashima.
Il y est mention d’une technique de réduction en gazette avec du son de riz (nuka) à basse température dans une deuxième cuisson. Sur des pièces polies à nu (agate, cuillère en inox).

Un premier test à 1000° (avec un keep de 20mn) a donné des résultats vraiment chouettes qui font penser à une cuisson au feu de bois. Il reste du charbon de nuka mais les pièces sont devenues grises avec de beaux gradients rouges. Je suppose que pour une réduction plus complète il faudrait un keep plus long (plusieurs heures ?). Et peut-être 100° de moins. Je suppose que les pièces « rouge et noir » de Sadogashima que l’on peut trouver sur yahoo/auction utilisent cette technique en ne recouvrant qu’une partie seulement des céramiques de nuka.
Le nuka a produit des dépôts blancs en tâches, un peu comme du tartre mais qui ne réagit pas au vinaigre. Se brise et se ponce assez facilement.

Un second test à 1230° a été par comparaison décevant. Les pièces sont devenues marron pour les parties colorées (est-ce un effet d’avoir inséré une ancienne kyusu avec de l’argile de bizen qui s’est brisée pendant la cuisson) ? Pas de gris ni de noir. Plus aucun charbon de nuka dans la gazette. Dépôts blancs plus importants sur les pièces. Cette température est de toute évidence trop haute.

J’ai également créé des chawans avec ces argiles rouges non émaillées. L’extérieur décoré avec de petites branches d’un ume de mon jardin.
Ces pièces se rapprochent de mon idéal : rouge; chaleureux; au pied « galaxie shôchikubai » (spirale à l’intérieur d’une fleur d’ume à cinq pétales, avec un fushi de bambou et un rouge « akamatsu sous la pluie »); rough; terreux; humble; non dégrossi; paresseux; bouineux; masculin; cultivé; mâture; en chemin; sans signature.
Des pièces qui ne seraient pas « à la manière de ». Mais qui immédiatement raconteraient une histoire. Non pas originale. Mais personnelle. Une beauté qui ne viendrait pas de leurs caractéristiques formelles ou techniques. Mais comme l’empreinte d’une âme limitée, sincère.

La gazette unique que je possède aujourd’hui ne me permet pas d’en cuire plusieurs à la fois. Il faut que je m’équipe en ce sens. Mais l’idéal serait d’avoir des fours (gaz, bois) me permettant d’explorer les surfaces de cuissons. Il faut un lieu pour cela…

J’ai toujours été sceptique sur les discours évoquant l’impact des céramiques sur le goût des thés. Pourtant, (effet placebo ?), j’ai cru noter que mes petites kyusus recuites à 1000° produisaient de notablement meilleures liqueurs sur mes oolong.

janvier-12 mars 2021 : cuissons 133-140 (divers)

Je suis toujours fasciné par l’impact de l’outil sur la création. Sa présence, son absence, ses défauts, ses contraintes, les formes qu’il libère ou interdit.

Cela fait trois mois désormais que je me suis décidé à transformer le journal de cuissons en wiki.
Et après avoir hésité entre wikimédia et tiddlywiki, j’ai choisi le second. Mais impossible de l’installer simplement comme je le souhaite et je n’ai aucune énergie encore aujourd’hui à consacrer à des explorations de geeks au-delà des tests et des explications de base.

J’ai donc repoussé l’écriture du journal. Que je reprends ici sous forme de notes compressées.

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Trois cuissons de demi-céramiques à 1230.
Voici ce que j’ai écrit sur chawans.net pour rendre compte de cette expérience

« J’ai passé les mois de décembre, janvier et l’essentiel de février à tester une demi-porcelaine (半磁器, cuite à 1230°) décorée d’oxydes.

La porcelaine demande une technique spécifique. À la fois au tour où sa plasticité requiert une précision particulière des gestes, mais également lors du trimmage afin de rendre les pièces fines et régulières : elle impose la symétrie.

Comment alors donner de l’aji, la trace d’une présence de paluche d’homme mature, à une matière qui lui impose l’antipode de son univers ?

Par la décoration au pinceau.

Problème : ce type d’intervention requiert elle-aussi une technique spécifique qui ne s’improvise pas. Seule la pratique sur des années, exactement comme la pratique d’un instrument de musique, permet de libérer la main.

Si le céramiste veut dessiner, il doit passer le temps requis à apprendre à dessiner.

D’où ces semaines de frustration à créer du médiocre et de l’insatisfaisant. En tombant bien sûr sur des problèmes techniques de céramistes : préparation des oxydes (concentration, couleurs), accord de ces derniers avec un émail transparent pour éviter les bulles.

Des trois cuissons de tests, seules quelques pièces restent.

– un petit chawan décoré au motif d’ume

– une petite tasse ronde à tenir dans ses paumes pour du thé noir

– un bol très ouvert de petite contenance qui est parfait pour des oolong taiwanais verts de haute-montagne.

J’aurai de la peine à les voir partir quand j’utilise les deux derniers au quotidien.

Mais les personnes intéressées peuvent me contacter.

Merci à la porcelaine de m’avoir appris qu’elle n’était pas faite pour moi. Au moins, pas pour l’instant. »

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Une cuisson avec 3 échantillons de terres blanches de chez tougei.com
seule la Shigaraki a retenu mon attention (mais je ne sais plus vraiment pourquoi hormis qu’elle était agréable au tournage).

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Au moins quatre cuissons rouges.

Retour à un mélange de terres rouge, de rouge « pour sculpture », de rouge nabe, d’un rouge sans étiquette (probablement pour raku).
Avec application de branches d’ume pour l’empreinte extérieure et choix de ne pas appliquer d’émail à l’extérieur du bol pour laisser l’expérience tactile de la texture de la terre et de la texture de la branche d’ume.

À 900°, la lèvre inférieure qui boit dans l’un de ses bols « colle » à la terre qui cherche, cuite à cette température, à absorber toute humidité. L’expérience est spéciale mais je crois que je l’aime. Evidemment ce pourtour se salit au macha et devient vert. Mais ici encore, ce point ne me déplait pas.

Quelques tests de kuro (bronze) et de deux nouveaux émaux de Maruni : vert chamarré de jaune et bleu pâle lisse chamarré de jaune.

Tests avec du transparent 1230 et du shino encré.


Et retour à tests avec du transparent 900 cuit à 1150, 1100, 1050 : coulures (collage sur plaque) et problème d’épaisseur (dilution de l’émail, application au pinceau, au pinceau-éponge, en trempage). Flaque au fond, pas homogène. Nécessite une ouverture du four froid pour éviter le craquèlement de l’émail (bol inutilisable en cas de flaque si choc thermique). J’envisage de m’équiper ici d’un petit compresseur et d’un pistolet à peinture.

Test avec application de shirogesho pour créer au départ du Mishima (en utilisant les surfaces des branches d’ume). Puis au moment du trimmage du shirogesho, au lieu de ne laisser que les incrustations, laissé de grandes zones diagonales et espacées irrégulièrement. Au moment de la sortie du four, l’encrage crée un kanyu noir sur blanc intéressant.

J’aime le rouge mais pas le saumon des aka-raku. Mais à 1230, le transparent transforme les terres rouges en marron laid. À résoudre.

Heureuse découverte sur une tasse dont j’ai enduit l’extérieur de la « farine » qui trainait sur mon bureau, un mélange de shirogesho (porcelaine blanche) et d’oxydes utilisés pour décorer les porcelaines : le cobalt et le gris/noir ont produit un effet – très – intéressant sur l’aka-raku saumon émaillé. La sérendipité a encore frappé. Effet de veines sur la chair d’un petit bras. Mais surtout beau contraste inattendu de couleurs.

Pas d’énergie à consacrer à la photographie des bols et à les poster sur chawans.net. Il faut pourtant que je m’y colle.

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Le thé que je consomme au quotidien est l’Oolong Taiwanais de haute montagne très peu oxydé (attention à ne pas vous faire refourguer des vieux stocks de plus 12 mois ou alors uniquement sous vide). La découverte qu’un petit bol en V presque plat lui convient parfaitement me conduit à vouloir expérimenter d’autres pièces pour ce type de thé. J’ai passé du temps à regarder les kyusu chinoises et japonaises (notamment les très plates), les terres à kyusu cuites sans émaux.

Réticence paresseuse à sortir du confort des gestes pour la création de chawans (dont mes formes prennent enfin un peu d’assurance).

En cherchant une petite « orin » (bol métallique que l’on sonne par frappement), je suis tombé sur des vidéos où l’on voit un dispositif où les créateurs appliquent une purée de graphite sur leur gabarit avant coulage. Il s’agit d’un plan de section que l’on peut faire tourner car maintenu par un bras suspendu au dessus de la pièce. J’aimerai un dispositif de ce type pour créer des bols dont la section serait une ligne de kana (idée du lien entre les kana de Koetsu et la forme de ses bols).

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Un autre projet à long terme est la sculpture. Elle requiert l’apprentissage de l’anatomie, de la morphologie, de la « gesture » (d’où l’existence quotidienne des Tegami). Je découvre avec un intérêt immense la technique proposée par Michael Hampton pour cet apprentissage. Tout ce qu’il énonce entre en résonnance avec l’esthétique de la calligraphie asiatique et donc avec l’esthétique asiatique tout court.

Si les pièces du céramistes sont des corps, des parties de corps, des abstractions de corps, alors quelle technique trouver pour magnifier la « gesture » et éviter le bonhomme de neige statique qu’un tour produit mécaniquement.
Comment faire, pour dans l’asymétrie dynamique et le rythme, qu’une pièce puisse avoir des os, des angles, et des replis de chair, des masses de natures différentes réparties sur un point d’équilibre en mouvement.

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Un bol bleu qui avait un peu coulé et que j’ai laissé cet hiver dans le jardin est devenu vraiment beau. Les pièces sans patine à la sortie du four ne sont pas encore nées.