présents 2023

「vous pouvez m’écrire pour avoir accès aux versions audio」

les feuilles en hiver
comme des singes
pendus aux arbres

entendre le fier
en hiver

la neige qui fond en décembre

le piaillement d’un chien qui marche sur une épine

le voisin de la maison
qui laisse sa furin-風鈴 en hiver

entre deux torii rouge et noir
une chatte
qui offre son ventre blanc au soleil

à fushimi
si tu ne montes pas à ton rythme
comment veux-tu monter
au rythme dans ta vie

à fushimi
tous les renards invisibles

un petit vieux rond
qui marche comme un alcoolique
une bouteille de thé vert à la main

un jeune femme à vélo
qui vérifie si l’on voit sa culotte
sous sa jupe courte

une grue qui marche
les mains dans ses poches

la vie comme un pèlerinage
où l’on n’aurait pas fait tous les temples

le vent dans l’arbre du temple 87

les calendriers distribués par les artisans


le tashikani-確かに
des japonais

la femme qui s’ouvre comme une fleur
et l’homme qui lui donne ce qu’elle attend

le betsuni-別に
des japonais

les petites montagnes
d’épines de pin

un kimono sur la plage

les feuilles de momiji
qui entrent à l’intérieur de la maison
comme des fourmis

le pot de miel qui disparaît dans l’hojicha
l’hiver

quand l’hiver donne un aspect
vieille photo jaunie
à l’automne

identifier dolly’s dreaming and awakening
de theodor oesten

un français qui n’a plus à parler

les japonais qui préparent leur valise
un mois à l’avance

les matins de momiji parfait

anniversaire
un cactus
deux kairanban-回覧板

les grosses écharpes blanches
des lycéennes maquillées

les arcs-en-ciel la nuit

au-dessus du torii
un avion dans le ciel

dans la dernière semaine des momiji
à onze heures

un restaurant où l’on ne reste pas très longtemps
où ce n’est pas forcément très bon
mais dont le plat nous reconnecte
avec une part essentielle de nous-même

les femmes qui parlent
à leur tout petit enfant
qu’elles portent sur leur ventre
alors que l’enfant
regarde au loin
ailleurs

des navets gros
comme des boules de bowling

une très belle boiteuse

les grand-mères qui balaient
les marches des sanctuaires

les jeunes femmes qui sortent
un immense miroir jaune
en attendant le feu rouge

tous les yuzu
qui ne seront jamais cueillis

le deuil des personnes qui ont vécu
deux cent ans avant nous

tous les arbres tombés
dans une forêt non entretenue

le retard des momiji
faute de froid

la petite collégienne

qui porte devant elle
un immense étui
et qui le tapote
comme si elle jouait de pistons

s’incliner
devant un souvenir

quand les champs de fruits
font de plus belles couleurs
que les champs de fleurs

une grand-mère prie devant des jizo dans le froid
de la vapeur blanche sortant de sa bouche

les trois fleurs blanches
l’ume, le sarusuberi et le sazanka

les douze petits sushi sans poisson

le coucher de soleil qui révèle
d’immenses toiles d’araignées

deux jardiniers qui saluent le temple
avant de sortir de leur journée de travail dans le froid

ne plus trouver le chemin
sous les feuilles mortes

oui
je vais à la cascade

les baies vitrées de l’autobus
quand on le regarde de l’extérieur

le son des cintres en plastique
quand une grand-mère
range le linge sur son balcon

la petite plume
blanche et jaune
à l’extérieur de la vitre

les femmes riches
parfaites
si belles
et qui apparaissent si vides

tous les sourires qu’on a envie d’embrasser

une vie duty free

le petit train des écoliers sous leur parapluie

tiens pourquoi ce corbeau est blanc
ah non
c’est une mouette

à l’arrière d’un bus de kyoto
une publicité pour un sanctuaire réputé
pour allonger ou couper le goen-ご縁

un jardin qui n’est planté que d’arbres à épines

avoir les défenses psychologiques du yuzu

la mélodie annonçant que le bain est prêt

balayer les feuilles à neuf heures
et pester contre les nouvelles à dix

les enfants qui tombent
se relèvent
s’époussètent

ne pleurent pas

alors qu’ils ont mal

on aurait envie de boire l’une
que lorsqu’il n’a plus de feuilles à l’automne

on aurait envie de cueillir le thé
que lorsqu’il est en fleur à l’automne

autant de pépins dans mon yuzu
que de pépins à mon arbre

les feuilles jaunes des yuzu avant la récolte

les graines
qui collent sur le pantalon

la montée de mars dans la nuit
comme le retour d’un chat
après une journée d’évasion

les enfants qui tombent et qui pleurent

avoir eu peur du tonnerre

l’air plus humide
près du hondô-本堂 de nanzenji

les orages qui grondent
quand il fait beau
et qu’il ne pleut pas

aller faire ses courses
quand plus aucun enfant
ne joue dans le square

le pas lent
des salaryman
qui rentrent chez eux

l’escargot
qui a tracé un très beau kana sur le sol

100 yen husband

matsukaze-松風
takekaze-竹風
umekaze-梅風

la couleur du tissu
pour essuyer les lunettes
du céramiste

la balade de la glace au chocolat
dans la nuit

nos vies
comme la suie d’une chaumière

poncer des bols
dans l’automne
de son nouveau jardin

découvrir sous le mauvais plâtre

un sublime plafond de bambou

deux jeunes filles
qui dans les derniers mètres avant le collège
étudient livre ouvert
en marchant

les feuilles jaunes de l’ume blanc
les feuilles oranges de l’ume rouge

le son des glands qu’on écrase dans le noir

quand les oiseaux ont un cri laid

une figue fraiche à température ambiante

le vent qui fait tomber l’arbre
qui fait tomber l’électricité

oublier puis se souvenir tous les ans
que le kinmokusei sent bo

le mukade qui vient réclamer sa part de nage

une feuille de momiji plus belle qu’un papillon

un imper sur un samue

un jardinier qui fume
dans un cimetière

faire pleurer tant de kimonos
avec son shakuhachi

on pourrait avoir le sentiment
que certains voisins
attendent l’automne
juste pour balayer leurs feuilles

suspendre son samue de chakai
au prunier qui perd ses feuilles
pour le débarrasser de ses allergènes

sortir trois mouchoirs de sa poche

les grands-mères qui balancent leur sac
en attendant l’ouverture de la pâtisserie

les petites filles
qui balancent leurs bras
en attendant le feu
en imaginant une chorégraphie

la façon dont les artisans s’assoient au sol
comme sur un sofa

il n’y a ni couple ni amis
dans la sculpture occidentale classique

l’odeur de la purée de kakis écrasés sur le sol
dans son jardin

l’ombre d’un papillon
traversant la rue

quand la lune est trop belle
trop grosse

la lune aussi parfois ne porte pas de culotte

les combinis sur la route de mizuo

chercher des planches pour sa cuisine

émailler au soba-shino
la chevelure de sa première statue

le gros papillon noir
et la petite grenouille marron

la première goutte de sang
sur sa table de sculptage

le petit crabe de montagne
qui court sous la pluie
dans le jardin de mizuo

les plaisirs qui empêchent de dormir

acheter un mini-gennô-玄能

se demander ce que l’on va planter
à la place des sassa morts

les moustiques qui gâchent le coucher de soleil
mais ce n’est pas grave
on a pris des photos

le voyage du gros melon vert

le premier septembre
où l’eau froide de la douche
n’est pas suffisamment froide

évaluer la sécheresse
d’une grosse planche de quatre mètres
en la soupesant

un premier enku-円空 sur sa engawa

le son de la toile d’araignée épaisse
que l’on déchire avec son front

couper les petits bambous morts

un peu de temps
comme une pincée de gros sel

un orage totalement blanc
quand on roule trop vite sur l’autoroute

le bruit de la machine à râper les glaçons

les moustiques sur la tombe de enku-円空

les petits supermarchés japonais
qui sont des mamans qui cuisinent bien

retrouver le daimonji
après une journée de pluie

les jolies jeunes filles qui portent
trois ventilateurs
pour ne pas transpirer

les fleurs qui ont trop chaud
et qui tombent

apprécier la floraison particulière
des sarusuberi cette année

même en se forçant
comme une ascèse philosophique
ne pas pouvoir supporter la bureaucratie

marcher doucement
pour ne pas transpirer trop

les jupes bouffantes des lycéennes en uniforme
qui rentrent à vélo chez elles

le lion en cage
qui ne sait même plus ce que sait que courir

mon vieil ume
qui n’a plus qu’une seule branche avec des feuilles

une suzuri cassée
qui devient un kaze

les douches qu’on reporte en été
pour ne pas en prendre douze

le salary man en costume
qui mouille la pierre tombale

le bruit des vieux insectes
fatigués par la trop grande chaleur

la blue moon après les nuages

sirènes aveugles
nous choisissons la terre pour plaire
sans connaître la nature de nos océans

se lever à minuit
pour mettre de la glace sur sa tête
parce qu’on a marché à midi sans chapeau

le jardin aussi
sent bon après sa douche

comme plus personne ne porte de masque
retourner au nô
s’y endormir
comme un enfant dans les bras d’un bon parent

l’ombre d’un papillon
à midi

quand l’humidité
est si forte
qu’elle devient une couleur

pourquoi se sont toujours les mouches
et pas les papillons
qui entrent dans les maisons

les femmes qui remettent
le plis de leur robe
dans la glace
en passant devant vous

les insectes de kyôto
en août
plus forts que les roulettes
de la valise dans le noir

vivre comme on range et ferme une maison sans stress

le soulagement
après l’annulation
d’une tension
qui n’avait pas lieu d’être

ma montagne
n’est pas la plus grande

la haute montagne
qui nous regarde
comme un aveugle

le monde
qui nous regarde
comme une vachette

faire sauter les plombs
et ne plus pouvoir remettre en route
le disjoncteur

les abeilles
qui viennent inspecter
l’origine du bruit
de la sculpture

parfois se sentir copeau

la tristesse
à déraciner
les arbres qu’on a plantés

étiquette de table
où placer l’opinel
en-dessous ou au-dessus
des baguettes

les oiseaux
n’ont pas de notaire

il faut un sécateur
pour enlever les épines d’une fleur

le murasaki
de la fleur de chardon

le tao
c’est l’âme de l’officier
qui est pris pour un caporal
par un sergent

retrouver
le souffleur de vent
qui est plus que le vent

des étagères pour ses outils

le cou
de la vache curieuse

quand la solitude
atteint un plateau

une blouse par jour
qui me font oublier les présents

regarder grossir les nénuphars
triste d’y voir si peu d’insectes

utiliser quatre types de scie
pour ranger son garage

être contraint au plaisir
d’avoir à allumer son poêle
en août

quand le vent joue de familiarités
avec les grandes herbes

le vent si fort
qu’il renverse le hamac

regarder grossir
les fleurs de nénuphar

l’odeur écœurante du fondur
qui fait fuir la grosse araignée noire

vouloir marcher sous la pluie
pas de bol
c’est l’éclaircie

des larmes artificielles
périmées

deux lièvres
deux fouines
un renard

chicken ramen
pour producteurs de reblochons

la pluie a passé sa main
dans les grandes herbes

le plaisir à s’extraire une écharde
de la main gauche

la pluie sur les cimes
font à la montagne
des cils de femme

le vent dans les pins
quand il est chaud
et monte de la vallée

le son du vent dans les pins
comme une expiration de montagnard

si quelqu’un crée un petit cairn
à partir de ton gros cairn
laisse-le

déchirer le filet à patates

s’arrêter à l’endroit
où l’on s’est assis avec les chiens

d’un parking de supermarché
photographer les cimes

tutoyer une ia

le silence
après le passage du tour de france

la caravane du tour de france
où l’enfer
qui voudrait se faire prendre
pour le paradis

la dernière balade
avec des chiens qu’on a aimé garder

au-dessus de la maison
s’asseoir dans le près
et regarder le paysage
avec deux chiens

des papillons blancs
qui dansent
à côté de gros chiens noirs

au sommet de la montagne
des scouts ont installé des draps
pour faire une scène

la façon dont un chien
ajuste sa tête
après l’avoir posée sur ses pattes

depuis que les chiens sont là
ne plus brûler d’encens

quand on croit entendre une conversation
et que ce sont des abeilles
qui bzz très fort

écouter l’orage sous sa couette

attendre l’orage
comme un bûcheron attend la chute de l’arbre

un chien qui fait son pipi-poucet

la patience des chiens
puis leur impatience à l’heure de la balade

quand un chien te rappelle
le plaisir à soupirer d’aise

les chien qui comprennent
la beauté d’un paysage

appeler le voisin
pour savoir si c’est bien lui
qui brûle du foin

quand créer consiste
à ranger sa chambre

être toujours surpris
quand les parkings point-de-vue
offrent un beau point-de-vue

tous les oiseaux qui ont fait leur nid au chalet
m’en veulent d’être revenu

l’argile rouge
sur la peau blanche de l’orange

sortir le coussin pour le banc
et la flute

l’odeur médiocre
de l’encens offert par ajari
qu’on n’échangerait contre aucune autre

les tâches de vert
qui disent tout le bien qu’elles pensent
du gris du ciel

la vache qui exprime
qu’il faudrait arrêter de bavarder
pendant la traite

les 25 heures
entre une porte et une autre

le petit sachet plastique
préparé pour trier ses pièces
dans le porte-monnaie d’une japonaise
à l’aéroport

regarder la fumée
du ciel
à travers son parapluie transparent

se demander quel est le nom
du chien blanc
de kawase hasui

les berceuses
dont on ne comprend pas les paroles

une petite grand-mère de rien du tout
qui bêche comme un bucheron

le voisin qui taille son gros kiwi

marcher vite pour arriver à la rivière
avant le bus

faire un détour
pour le sourire d’une amie

la vie
comme un hon-shirabe

le bruit de ventilateur
des artisans bibendum

quand la forêt continue à pleuvoir
quand la pluie a cessé

une maman et sa poussette
me font coucou de la main
ah non
ce n’était pas pour moi

une maiko
qui court
qui court

les grand-mères qui ne masquent pas
qu’elles vous scannent des pieds à la tête

l’odeur intense de miel
des fleurs de mauvaises herbes
au bord du chemin de la philosophie

les p’tits éventails ronds de matsuri
distribués comme publicité
accrochés au sac à dos des vieux
qui montent au daimonji

je ne sais pas ce que tu manges
mais tu manges bien
la biche

les jeunes femmes enceintes de neuf mois
en t-shirt moulé
qui marchent comme des quadragénaires

quand elles sont dans le gen
les femmes tirent la langue

pour montrer qu’ils ne sont pas dupes du gen
les hommes tirent la langue

ne pas s’identifier à l’eau
parce que sauf lorsqu’elle source
elle descend

la vieille voisine aux beaux cheveux blancs
qui se rend au daimonji
les mains dans les poches

le vent
dans le grand sakura
face au mon de mizuo

bonheur
nom commun mais rare
synonyme
aubergine au dengaku de tenryuji

la gentillesse et les sourires
des rakan d’otagi

sur un très vieux smartphone
un étudiant prend une photo
d’un poster de shin-hanga

les bébés
qui parlent plus fort que les adultes

les grands arbres
plus que le faux sanctuaire

une petite fille
à très longs cheveux
et bottes roses
qui marche sous la pluie
sans parapluie
en mâchant un chewing gum

commencer à être attendri
par les petits oiseaux

la mousson explique l’encens

dans le train
des moinillons zens
qui portent leur chapeau de pluie
sur leur ventre
comme des femmes enceintes

le plaisir à retrouver les ajisai
qu’on n’aime pas comme fleur

le son du déshumidificateur
en juin

le macha
sur le lecteur de cartes bleues
du magasin de thé

un vieux qui gare sa petite voiture
près d’un terrain de sport
un samedi matin
juste pour entendre
les cris des lycéens qui s’entraînent

le retour du parfum des prunes
ramassées dans le jardin

les poteaux électriques
qui remplacent les torii

les chausses des cimentiers

les personnes qui aiment les pamplemousses

l’ume aux petites prunes jaunes
l’ume aux grosses prunes rouges et vertes

la crotte du poisson-rouge

le son de l’eau du nanzenji
quand on va voir les lucioles

asseoir un bouddha sur un rocher

déplacer
une lanterne de pierre

le son de la chaine métallique
sur la poulie du jardinier

les mamans à vélo
que l’on voit sourire de loin
parce que leur petit à l’arrière
leur dit quelque chose de mignon

les journaux intimes fabuleux
qui ne seront jamais lus par personne

un écolier qui un jour de pluie
utilise comme parapluie
l’ombrelle de sa mère

un tout petit grand-père
avec un parapluie pour deux
qui traverse la rue comme un enfant

la façon dont un très jeune enfant
porté en bretelles sur le ventre par sa mère
accroche sa main gauche
à son échancrure

les rizières trop pleines
un jour de trop de pluie

désherber
poncer

un jus de tomate
dans un coffee shop

les jeunes femmes à vélo
qui pour se donner du courage la nuit
chantonne

tiens
un p’tit chien avec une robe et une casquette

les collégiennes qui prennent soin de leur frange
en se tapotant le front

les femmes tristes
qui sourient au comptoir
du restaurant où elles mangent seule
pour ne pas montrer aux autres
qu’elles sont tristes

les cartons
sous les nids des hirondelles
qui ont survécu

le japonais en bob
qui essuie minutieusement
le rétroviseur de son vélo

les deux coups de cloche au daimonji
qui font fuir le papillon

le volume des branches
d’un jardin non entretenu pendant des années

le vieux potier qui se perd dans atago
avant la pluie

quand le rendez-vous à l’hôpital est court
parce que les résultats sont bons

le goût du rouge
sur les lèvres de l’homme
qui a raccompagner une femme à la gare

tapage matinal
quand les oiseaux sont trop nombreux

les lombaires du bolier

le son de la pluie que suit
le son de la fenêtre qu’on ferme

l’impossibilité à ne pas devenir le rival d’un autre

les premières prunes jaunes au sol

chaque maladie

un artisan mal rasé
avec un parapluie de petite fille

repousser l’encensoir quand il est trop proche

réparer son mon-門

les premières fleurs blanches de yuzu

le jizo avec son bavoir à motif de bus
sur atago

sur la margelle d’un puit à sec
une suzuri
sèche

sept heures du matin
un monsieur en costume
cherche dans son porte-monnaie
une pièce pour acheter une boisson
dans un distributeur automatique

un pays où les murs coulissent
n’a pas de labyrinthe

les grands-mères qui vendent des légumes
avec leur grand chapeau
dans leur kei-truck d’ohara

comme une hirondelle
se reposant sur un mur

les jours
où l’on n’a pas envie de marcher sous la pluie

apparier des objets
comme des notes

ce moment où les momiji rouges de printemps
passent au vert

déplacer tendrement son oreiller
comme s’il s’agissait d’un chien

la chasse des deux corbeaux
à cinq heures du matin

la tristesse à voir disparaître
un vieux torii en bois

la dernière shaga pour le toko

perdre sa clé
dans un jardin de yuzu

marchant
ne pas éviter les nouvelles feuilles de momiji

le plaisir des échantillons gratuits
en mai
dans un bon magasin de thé

deux pigeons qui ne veulent pas bouger
devant une voiture

l’odeur exotique des roses
à kyôto

de temps en temps
laver ses outils

après la grande pluie
la rivière milk tea
et les ruisseaux chantilly

le pays où la pluie
n’atteint pas les gens

la tristesse haineuse
d’une jeune femme en fauteuil roulant
qui montre qu’elle est encore vivante

de deux chutes
un tokonoma

remplir son aspirateur

être ambivalent quant au charbon dans le thé

ne pas aimer les lunes trop jaunes

les sakura de mai d’atago

le pic-vert d’atago
et la biche d’atago

surveiller sa première cuisson
comme on surveillerait
un enfant jouant dans le jardin
du coin de l’oeil

perdre la clé de son four

les glycines de montagne
dont on n’aperçoit pas les fleurs
quand on est à leur pied

est-ce la pluie ou le vent
qui fait bouger les feuilles

débugger une nouvelle maison

une petite fille qui va à son cours de danse
et qui enlève un caillou dans sa chaussure
au feu rouge

la grande pluie de printemps
qui fait descendre des sommets
les feuilles d’automne

le parfum des fleurs
dans la ville après la pluie

le blanc de la pluie qui ne laisse au jardin
que son vert de printemps

le tronc noir de pluie de printemps de l’ume

les nuits des jizo

les vagues
les grosses vagues de biwako

la fierté vivante d’un très vieux monsieur

d’anciens livres d’art
qui n’ont jamais été ouvert
et qui sentent le vieux

le son d’une grenouille dans un cimetière

une lycéenne en uniforme
qui se gratte la jambe
parce qu’elle a été piquée par un moustique

notre hamac est notre étoile filante
tombe autant de fois que tu te relèves

les grand-mères qui arrosent leur jardin
avec un visage impassible

les demoiselles qui sourient
en écoutant de la musique
dans la rue

yoga yin
avant le coiffeur

comme un jardin sans jardinier

les bols comme visages
où l’on doit deviner les arrêtes du crâne

les visages auxquels on tient
que l’on revoit après longtemps

les courbes qui dansent
des femmes sans courbes

la pluie du barbecue

ce n’est pas l’ombre mais le gen
l’ombre n’est que l’accès au gen
la lumière tue le gen

le japon ce scout

des bols comme un gâteau de grand-mère
pas comme un gâteau de pâtissier

la façon dont le bolier descend l’escalier
avec sa planche pleine

les traces d’argile
sur l’amante du céramiste

les épines du sansho
les épines du yuzu

en pleine forêt
sous de vieilles branches
un monocycle bleu

quand un ruisseau fait trop de bruit

la montagne qui rit

les ikebana
avec les fleurs de son jardin

l’aurore
dans les yama-tsutsuji

un mardi
être le premier
au sommet d’atago

le vent d’atago
qui n’est pas le vent de daimonji

la première nuit avec les mukade

les kimono jamais portés
dans de très vieux tansu

attraper en vol
un pétale de sakura de montagne

avoir rêvé de grands arbres
et se trouver bien sous de petits

la ficelle de la lampe de plafond
qu’on cherche dans le noir

le son du vent dans les arbres
quand on habite en ville

l’évacuation des eaux de pluie

un petit chien
qui s’appelle grain de riz
dans une cage à oiseau

les sakura en fleur
en forme d’akamatsu de plage

attendri par la laideur
du premier pissenlit

quand les sakura durent plus d’une semaine
c’est trop long

sa première vraie routine de toilette
dans une nouvelle maison

dans le gros mokugyo
une souris a fait son nid

la couleur des tsutsuji
plus que celle des sakura

le jour qui suit la pleine fleur

comme un combini sans parking

arroser le jardin
en émaillant
en reniflant

le premier jour
des pétales au sol

un coucher de soleil framboise
sur les sakura framboise

sur la jambe du daimonji
un bourrasque si forte
qu’elle me fait vaciller

il n’y a pas d’amour dans phèdre

faire fleurir les femmes

la légère trouille
à reprendre le skate
après de longs mois

être l’étranger
qui regardent les étrangers
abîmer les ruines

le son de l’envol effrayé
d’un couple de canards
un jour de pluie sur le daimonji

les gouttes de pluie
qui font déborder les bols
dans le jardin

les filles de médecin

la façon dont un garçon
regarde un jouet qu’il a reçu
mais qui est encore emballé dans le magasin

le corbeau noir
dans les sakura blancs

l’oiseau qui vole
sur le reflet blanc du ciel
dans le plateau noir laqué

les sakura
couleur ciel d’hiver

aimer repartir d’une maison
avec les gâteaux
qui n’ont pas été mangés

ne pas arriver à s’intéresser
aux ume tardives

après les ume
être plus ému par les premières feuilles
que par les premières fleurs

les magnolia
ces cimetières d’hélices

les magnolia
ces oiseaux d’un jour

les jeunes femmes
en kimono de diplomées
qui marchent rapidement
parce qu’elles ont honte de leur mère

les tâches sur les magnolia immaculés

l’ume qui ressemble à un sakura

le vieux qui me dit
avec les lèvres
il fait froid

les fleurs de camélia parfaites
déposées devant les jizo

l’effet immédiat sur le sourire
d’un très bon oolong

le mizusashi
est-ce le papa ou la maman du bol

la saison des grosses fleurs de tsubaki
qui tombent sur le sol

les maisons qui n’ont planté
que des ume devant leur porte

les chemises blanches bien repassées
et le mouchoir noué sur la tête

les biches qui essaient
de faire un bruit de souris
dans les feuilles sèches

les petits oiseaux
qui font des bruits de souris
dans les feuilles sèches

non
je n’ai pas pris les chips
à l’huitre

un étudiant en zazen
qui sourit sur le chemin de la philosophie

le wabi-sabi
c’est du lofi

retrouver avec plaisir
sa détestation viscérale
de l’asebi

l’aiguille de pin
sur l’ume en fleurs

le dernier grain de poivre

les tabi blanches du cœur

les kama rouillées
qui retrouvent leur vapeur

la pluie cruelle
qui fait pleurer les pétales

se surprendre à dire « i love you »
à son anin-dofu

juste avant la pluie
qui mettra fin aux ume

être vieux de l’âge
du jaune de ses plastiques

être son propre deshi-弟子

se relever et allumer l’encens
car comment calligraphier sans

croiser en forêt
quelqu’un qui a passé la matinée
dans un magasin de donuts

sur la tête d’un shishi
un rosaire de jade

le vieil ume immatériel de gosho

après 13 ans
la première belle fleur
de l’ume planté

un pétale d’ume sur mon engawa

le vieil ume immatériel

les fleur d’ume
comme des mains de danseuse ouvertes

un étudiant
qui mouche son allergie
en gasshô

la brutalité
de la délicatesse

deux pots
de sashimi yuba

vue de biwako
d’un septième étage

simultanément
le lièvre et la tortue

la télé
dans un bouiboui du midi

les jours où on salue
la cascade

la fleur d’ume
comme un chaton sur le dos

sur un toit au loin
des vêtements qui sèchent au vent
comme des drapeaux

derrière un corbillard noir
trois taxis noirs

le bleu de biwako
un beau jour d’hiver

avoir du mal à ne pas courir
pour traverser au feu vert

le son du vent d’hiver

l’envie de mettre un parapluie
sur chaque fleur d’ume

laver son cœur
à la main

un ume en fleurs
à la campagne
n’est plus totalement un ume

quand l’eau du tsukubai
est pleine de glaçons

de son corps
protéger les bols biscuités
des gros flocons de neige

chercher des yeux
l’ume qui sent si bon
et ne pas le trouver

le fils
qui doit sauver
son père

la grosse fleur de tsubaki
étalée au sol
comme une méduse

les ume blanches
qui elles aussi
préfèrent le coucher

la vieille maman
le vieux papa
et la vieille fille
sous leurs grands parapluies transparents
neufs

les jeunes filles
des ports du sud

le curage annuel
du canal
du chemin de la philosophie

les tsubaki sous la neige
les orangers sous la neige
les ume sous la neige

après la neige
le pins ont la goutte au nez

le phénix y laisse des plumes
à chaque fois

les trois amis de l’hiver
sous la neige

les fleurs de lys
le rouge ferrari
les miroirs d’or

la petite fille qui monte au daimonji
avec un ukelele rose
dans son sac à dos

le père
son fils
et le petit-fils
qui arrivent au daimonji

une mouche noire
dans les ume

le pigeon
qui fait semblant de se dépêcher

ferment et
levure
de l’histoire

faire sa balade
lentement

au couchant
les lettres d’or du temple
gravées dans le bois sombre

les premiers ume
suspension de neige

le livreur de journaux
qui délivre la nuit

ouvrir son corps au self-healing

comme un sushi
qui aurait roulé
sur son envers

ceux qui se retournent à moitié
et saluent d’un quart
après le torii

le prêtre
aux yeux éteints
par la nuit de setsubun

les frets de la vie
sur la pulpe de l’âme

le nouveau coussin
pour le bol à prière
du daimonji

une jeune femme qui
au sortir de la banque
inspecte lentement son carnet de compte

la façon dont la neige se dépose
sur les noirs des branches d’ume
et sur le vert du pin rouge

les névés du jardin de kyôto

les jeunes chiots renifleurs de kix

la stupeur à se retrouver dans un avion
rempli de gros vieux

quand le givre remplace la neige
sur les pins

le dernier coup de bâton
sur le cairn enneigé

monter dans la pente en canard

l’artisan qui peut réparer ses erreurs

les dentistes qui ne mentent pas

l’odeur de la poix
après vingt lavage de mains

quand il fait trop froid
trop blanc
pour lancer le four le dimanche

les paillettes d’or de la neige
dans le coucher à moins dix

courir en montagne
dans la pente enneigée
qu’on a montée

quand le cairn est plus petit
que la crête enneigée

quand on touche l’arbre
et qu’il s’ébroue

la branche de pin
pénitente sous la neige

le bruit du sable
sous le coupe-ongle du bolier

la buche couverte de flocons
que l’on met au poêle

enlever ses lunettes
pour marcher un jour de neige

quand le vent
jaunit les flammes

l’origine du noir de la poix

la corvée de petit bois
quand elle devient joyeuse

un bol qui aurait à vingt degrés
sa couleur de mille degrés

est-ce toi la fouine
qui est venue pisser
sur mon palier ?

les traces du lièvre
fuguant avec les miennes

quand l’hiver fait enfin
de toute la montagne
un cairn

le hamac près du poêle

les trois bûches du matin

ajouter de l’ocre
à l’argile

les traces d’argile
sur la porte du bolier

l’eau froide de la gouille
pour les mains du bolier

se surprendre à aimer
l’épandage d’alpage

nettoyer l’opercule
d’un yaourt au soja
d’un seul coup de langue

des chauve-souris
en janvier

l’art
comme du petit bois

le son du petit bois
qui tombe du billot

les matins sans nuages
où les levers ne sont pas oranges

gonfler un sac en papier
pour l’éclater

se surprendre à monter très vite au cairn

les jours qu’on oublie

le silence
après les feux d’artifice du nouvel an